Pour le foehn

Aller au contenu | Aller au menu | Aller à la recherche

BAUXALINE

Depuis près de 40 ans, le site industriel de Gardanne rejette légalement des "boues rouges" dans la mer Méditerranée, résidus toxiques de sa production d'alumines.

Au 1er janvier 2016 ces déversements ont cessé mais subsistent sous une forme encore polluante, ce que dénonce les associations de protection de l'environnement qui réclament l'arrêt définitif et immédiat des rejets polluants, de nouveau autorisés par la préfecture pour 6 ans.

boues-rouges-Gardanne-Mediterranee.png

Le site industriel de Gardanne (Bouches-du-Rhône) existe depuis 1893 et est aujourd'hui le plus grand producteur intégré au monde d'alumines de spécialité avec une capacité de production de 635 000 tonnes par an (soit plus de 1 700 tonnes par jour), chiffre d'affaire affiché par son gestionnaire, Altéo : 210 millions d'euro en 2012. L'alumine ou oxyde d'aluminium, se présente sous la forme d'une poudre blanche utilisée pour la production d'écrans LCD, composants électroniques, carrelages... Pour la fabriquer, l'usine exploite, depuis plus d'un siècle, le procédé Bayer qui consiste à dissoudre de la bauxite (importée de Guinée) avec de la soude concentrée à chaud. Si cela engendre les aluminates recherchés, il en ressort également des impuretés riches silice, titane, aluminium et hydroxyde de fer qui donne la couleur rouge de ces fameuses « boues rouges ».

Or, une partie de ces boues rouges est évacuée directement dans la mer Méditerranée. Cette pollution n'est pas nouvelle : après 70 ans de stockage des boues dans des bassins de rétention, depuis 1967, l'usine de Gardanne les rejette au coeur du parc national des Calanques, via une canalisation de plus de 55 km de long (dont 7,7 km sous la mer) à 320 mètres de profondeur dans le canyon de Cassidaigne, une fosse océanique de la mer Méditerranée qui abrite une biodiversité exceptionnelle. Au total, 32 millions de tonnes de boues auraient été déversées dans la Mer Méditerranée soit : 20 tonnes d'arsenic, deux millions de tonnes de titane, soixante mille tonnes de chrome, mille sept cent tonnes de plomb, du vanadium, du mercure... qui remontent en surface par l'action des courants, indique le mouvement Collectifs Littoral.

Alors que les quantités rejetées ont progressivement diminué avec un traitement à terre, l'arrêt total des rejets de boues rouges a été décrété pour le 1er janvier 2016. En fait, la canalisation sera toujours exploitée mais pour le rejet d'eaux de process (partie liquide des boues rouges, ultrabasique, et contenant encore des éléments toxiques comme la soude). En effet, l'arrêté préfectoral de 1996, pris en lien avec les objectifs de la convention de Barcelone pour la protection de la Méditerranée ratifiée en 1998, impose à l'industriel de cesser tout rejet de boues au plus tard au 1er janvier 2016. Cette disposition a été reprise par le décret de création du parc national. Altéo étant en mesure de cesser ces rejets, le Préfet des Bouches-du-Rhône a publié un nouvel Arrêté autorisant l'exploitation de l'usine de production d'alumine de Gardanne pour 6 années supplémentaires.

Cette mesure pourrait être satisfaisante mais elle soulève l'indignation des associations environnementales : "sacrifiant à un modèle dépassé, et s'asseyant sur les principes mêmes du développement durable qui exigent que les trois piliers de l'écologie, de l'économique et du social soient portés conjointement, le gouvernement vient de prolonger pour 6 ans les déversements industriels de l'usine Alteo de Gardanne dans une Méditerranée à bout de souffle" indique le collectif dans un communiqué. Pourtant, les rejets de boues rouges ont cessé depuis le début de l'année comme le précise Altéo : "il est tout à fait inexact de parler de poursuite de rejets de boues rouges dans les calanques (...) Elle confirme tout d'abord l'arrêt définitif de tout rejet de boues rouges en mer." Cependant, d'autres effluents, moins toxiques, les remplaceront. Il s'agit des rejets de la nouvelle station de traitement des eaux mise en place par Altéo : "Après 30 jours de fonctionnement, cette nouvelle unité de traitement des eaux excédentaires, combinée aux trois filtres-presses, permet d'améliorer de plus de 99,95% la qualité des eaux en fin de cycle. Ce double procédé innovant mis en œuvre à Gardanne est unique dans le monde de l'alumine."

"Je trouvais au départ ça très scandaleux, qu'une entreprise puisse rejeter tout et n'importe quoi dans la mer, puis dans un parc. Cependant la création d'un parc naturel ne permet pas d'interdire toutes les activités qui se passent en son sein, on ne va pas dire aux gens qui y résident de partir, ou aux pêcheurs d'arrêter de pêcher, etc. Donc forcément il faut doucement amorcer le changement, et il faut que cela se fasse dans la concertation. Déjà, je trouve que c'est une bonne chose que les rejets futurs ne soient plus directement les boues mais uniquement de l'eau filtrée, qui malgré tout contiendra un certain nombre de produits toxiques, mais c'est déjà une grande avancée. On ne peut pas fermer l'entreprise, ni délocaliser (on n'aurait plus de problème, mais là où elle va s'installer, il y en aura un), il faut aussi penser aux gens qui y travaillent." nous livre Lisa, une étudiante en M2 d'environnement qui vit près du Parc National des Calanques.

BRAZIL-CARNIVAL/